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Note IDEE n°2

Proposition d'expérimentation sur les groupes de besoin

Note IDEE n°2

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En réponse à la publication de l’enquête internationale PISA, qui montre des résultats scolaires en recul, le ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse a annoncé un “choc des savoirs” reposant sur un grand nombre de mesures. Parmi les plus radicales, la répartition des collégiens dans trois groupes de niveau en mathématiques et en français.


Nous pensons qu’il est indispensable d’expérimenter et d’évaluer cette réforme avant de la généraliser, car il existe trop d’inconnues sur ses effets potentiels. Le programme Innovations, Données et Expérimentations en Éducation (IDEE), piloté par le J-PAL Europe à l’École d’Economie de Paris (PSE), a récemment produit une note intitulée Différenciation des apprentissages : quelles modalités pour quels impacts ? qui présente les résultats de la recherche scientifique sur les modalités de regroupement des élèves. Cette synthèse démontre que les regroupements permanents, comme les classes de niveau ou le redoublement, n'apportent aucun bénéfice. En revanche, les données probantes existantes suggèrent que les regroupements flexibles et transitoires, comme les groupes de besoin au sein de la classe, produisent des résultats plus encourageants. La flexibilité permet de réduire la stigmatisation induite par la constitution de groupes permanents, car une organisation trop rigide risque de renforcer la vision fixiste de l’intelligence que peuvent avoir les élèves, et qui peut être entretenue par les attentes des enseignants.


Surtout, les programmes efficaces regroupent les élèves sur des temps limités en vue de leur faire acquérir des compétences précises et ciblées, et la réorganisation très fréquente des groupes, basée sur des évaluations systématiques des élèves par les enseignants, permet de redéfinir de nouveaux objectifs d’apprentissage dès que les précédents ont été atteints. Cette organisation repose donc sur l’idée que le regroupement provisoire est déterminé par des objectifs à atteindre, et non par un niveau global dans une discipline.


La version qui a été annoncée par le ministre, les groupes de niveau, est un entre-deux entre les classes de niveau inefficaces et les groupes de besoin dont certaines modalités ont démontré leur efficacité, comme le programme TARL soutenu par J-PAL, qui se rapproche en fait d’un dispositif de soutien. En outre, la mesure suppose une réorganisation non négligeable du temps scolaire, ce qui représente un coût pour les établissements ; et comme elle prévoit des groupes de petite taille pour les élèves les plus faibles, elle aura aussi des conséquences importantes en termes de finances publiques.


Enfin, s’ils s’appuient sans filtre sur les résultats scolaires, les groupes seront fortement déséquilibrés en terme de genre (plus de filles parmi les “bons” élèves en français, moins parmi les “bons” élèves en maths) et d’origine sociale, sans parler des élèves en situation de handicap, qui sont plus ou moins bien identifiés par les établissements.


Il y a donc trop d’inconnues dans le projet annoncé par le ministre pour qu’il soit raisonnable de généraliser une mesure si nouvelle sans prendre le temps d’en tester les modalités et de l’évaluer. Si le ministre prend vraiment “la science comme boussole”, il doit avoir le courage d’exposer sa mesure à l’expérimentation, et être prêt à la faire évoluer s’il le faut.


Dans son principe, la démarche à suivre est simple : définissons avec les acteurs différentes modalités possibles d’organisation des groupes de niveau et, à la rentrée 2024, expérimentons celles-ci, en réservant 10 % des collèges, tirés au sort partout en France, qui retardent d’un an leur entrée dans le dispositif. Et comparons à la fin de l’année les résultats des différents types d’élèves dans les établissements expérimentaux avec ceux des établissements sans regroupement. Cela permettra aussi aux équipes académiques d’accompagner dans de bonnes conditions le travail des établissements pour faire fonctionner ce dispositif totalement nouveau, et de l’étendre ensuite de façon maîtrisée en retenant les meilleures modalités (sauf si les bénéfices ne sont pas démontrés).


Les évaluations d’impact randomisées sont au cœur du programme Innovations, Données et Expérimentations en Éducation (IDEE) financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui vise à soutenir le développement de recherches expérimentales permettant de mesurer l’impact causal des dispositifs ou des interventions en éducation. Le programme IDEE pourrait ainsi soutenir le développement de cette expérimentation.


 

Proposition d'expérimentation sur les groupes de besoin
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Retrouvez la note IDEE sur la différenciation des apprentissages en cliquant sur ce lien.


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